Pour les machines PONG, l’image étant en noir et blanc, aucun problème ne s’est jamais posé. Lorsque l’Atari 2600, la Videopac, l’Intellivision ou la Colecovision sont arrivées sur le marché, elles amenèrent la couleur, via leur signal UHF. Bien entendu, en Europe, le signal devait supporter la norme PAL. Hors, deux phénomènes vont venir perturber les intentions des constructeurs. D’une part, la France rend obligatoire la présence de prise péritel sur les télévisions en 1980, d’autre part la peur du vilain envahisseur de l’Asie pousse nos gouvernement à un protectionnisme débouchant sur une forte taxation des appareils venant du soleil levant. De fait, les postes fabriqués dans les années 80 par les marques françaises ne sont pas rares à ne supporter que deux formats: le SECAM, et le RGB. Soit les constructeurs adaptent leur matériel (mal comme avec les premières Atari 2600), soit ils laissent la sortie à la norme PAL quitte à ce que certain joueurs ne profitent pas de la couleur. Ainsi, on trouvera parfois une liste de compatibilité sur certaines boites. Si votre récepteur n’en faisait pas parti, adieu les quelques couleurs.
Lorsque la seconde vague de console, la première japonaise, arriva en Europe, le problème se posa de nouveau. Les consoles ayant techniquement évoluées, il était impensable que certains joueurs jouent à la NES ou à la Master System en noir et blanc. Décidés à nous en mettre plein la vue, les constructeurs abandonnent progressivement le UHF pour le RCA (oui, le fameux composite), de meilleure qualité. Ainsi, la première console Nintendo ainsi que la Super Nintendo feront cohabiter les deux standards en Europe et aux USA, là où Sega ne rendra même pas ses consoles compatibles avec le format antenne. Mais que faire pour la France? Le signal composite est PAL, quoi qu’il advienne, et il reste beaucoup de boites à images incompatibles. La seule alternative fut donc d’implémenter le RGB. Si la firme de Kyoto le fera maladroitement avec un convertisseur RCA vers RGB de piètre qualité sur sa première machine, les futurs créateurs du hérisson bleu offriront une vraie sortie RGB appuyée par un module intégré au câble pour un résultat éclatant. Les choses continuèrent ainsi pour les consoles suivantes. Même la Jaguar eût un câble RGB, et on se souviendra du travail de modification des consoles NEC par la société Sodipeng pour les rendre également compatible. Jusqu’à ce qu’un trouble-fête ne vienne bousculer les habitudes.
Nous sommes en 1995, et Sony débarque de manière tonitruante dans le monde des consoles de jeux vidéo. Et puisque désormais on importe des objets électroniques de partout de manière débridée, et que, ça tombe bien, Sony a aussi des télévisions à nous vendre, pourquoi ne pas expliquer aux foyers français qu’il est temps de changer? Ainsi, si Sega vendra sa Saturn (puis sa Dreamcast) avec un câble RGB en France, Sony ne fournira qu’un simple composite dans ses Playstation, qui privera les amoureux de leur poste SECAM de couleur, mais tout à fait compatible avec les nouveaux appareils envahissant le marché.
Et Nintendo… Vous souvenez-vous du couac de la sortie de la N64 en France? Sortie en Mars 1997, nous allions devoir attendre Septembre 1997 en France pour y jouer (pour ceux qui auront eu la patience de ne pas l’acheter en import). Et lors de sa sortie, on constate que le modèle français (désigné FRA) n’est pas le même qu’ailleurs en Europe (désigné EUR). En quoi sont-ils différents? Notre modèle possède, sur sa carte mère, des emplacement pour quelques composants qui ne seront finalement pas implantés, destinés à convertir le signal de sortie de la console en véritable RGB. On peut aisément imaginer que la firme du plombier ventripotent n’ait pas voulu léser les joueurs français, mais pris par le temps, les coûts de fabrication, et constatant que personne ne bronchait d’avoir du RCA avec sa PS1 ait pris la décision de retourner sa veste, au grand dam des amateurs de jolies images. Ces premières consoles locales sont aujourd’hui recherchées car une main habile et bien équipée peut remettre à leur place les quelques composants manquant et utilise un câble RGB SNES afin de profiter enfin d’un signal de très bonne qualité!
Dès lors, la norme deviendra le composite pour la génération suivante (PS2, Xbox et Game Cube), perdurera avec la Wii, et, toujours prêts à faire quelques économie de bouts de chandelle, chez Sony avec sa PS3, qui aura le culot de vendre un lecteur bluray HD avec un câble basse définition. Ainsi, notre exception française protectionniste et élitiste nous aura permis, pendant la fin du siècle dernier, de bénéficier non seulement du meilleur signal hertzien pour recevoir la télévision, mais en plus de la meilleure qualité d’image possible sur nos consoles de salon…